Concevoir des villes pour l’hiver : trois façons de sauver nos PME de la COVID-19
07 octobre 2020
07 octobre 2020
Plus que jamais, notre espace public doit être mis en valeur 365 jours par année.
Par Simon O’Byrne
Cette année 2020 aura été difficile. Au 1er janvier, peu d’entre nous avaient conscience de l’ampleur de la pandémie de COVID-19, ni de l’effet important que le virus et la réponse des autorités de santé publique auraient sur nos vies. Nous avons dû nous mettre en quarantaine et respecter les mesures de distanciation physique, mais au moins nous pouvions aller prendre l’air au parc ou sur les terrasses. Durant les mois froids, nous sommes moins enclins à passer du temps à l’extérieur, ce qui rend la situation plus difficile pour les petits commerces déjà fragilisés dont la capacité d’accueil des clients a été réduite.
Je ne pense pas que cette réalité doive être sous-estimée : nous devons sauver nos petites entreprises. Les petits commerces familiaux et les restaurants indépendants qui définissent nos collectivités éprouvent des difficultés, dont certaines s’amplifient dans les mois d’hiver, une période où les clients ont besoin d’être plus motivés pour passer du temps à l’extérieur. Nous pouvons aider. Nos urbanistes et nos concepteurs peuvent faire des choix et des recommandations qui donneront aux entreprises locales de meilleures chances de survivre à cette pandémie. Mais il faut commencer par adopter l’idée de la ville d’hiver.
En réalité, nos villes – et leurs espaces publics – sont conçus pour attirer les visiteurs trois saisons sur quatre. Les gens passent du temps à l’extérieur pour accueillir le printemps, s’amuser en été et admirer les couleurs de l’automne. Mais durant les mois d’hiver, bon nombre de lieux publics extérieurs sont vides, les gens préférant rester à l’intérieur. Mais les choses peuvent changer. Nous pouvons faire de nos rues, de nos parcs et de nos places des lieux quatre saisons qui permettront à nos entreprises de prospérer durant les mois d’hiver.
Stantec a beaucoup travaillé sur l’aménagement et la conception des villes en hiver. J’ai personnellement été directement impliqué dans la stratégie de la ville d’Edmonton pour la saison froide en tant que coprésident du conseil consultatif et du groupe de travail sur la conception hivernale, qui a élaboré les lignes directrices de la ville d’Edmonton en la matière. Bien qu’il y ait beaucoup de facteurs à prendre en compte dans la conception d’une cité d’hiver, le principe de base suivant s’impose : il faut créer des lieux que les gens ont envie de fréquenter, leur donner un moyen de s’y rendre et concevoir des événements attrayants qui motiveront les gens à se déplacer et leur donneront envie de rester, favorisant la découverte de nouveaux lieux.
Nous sommes par nature des créatures sociales. Nous avons besoin d’être ensemble, de vivre en communauté et de passer du bon temps avec nos semblables.
Lorsque l’on crée un concept pour faire sortir les gens en hiver, le confort est primordial. Peu importe la destination, si les gens sont inconfortables, ils ne resteront pas très longtemps et ne reviendront probablement pas. En hiver, cela signifie principalement deux choses : tirer profit du soleil et protéger du vent.Â
Correctement vêtus, les gens peuvent être très à l’aise pendant des heures s’ils se trouvent dans un lieu qui maximise l’effet de la chaleur du soleil et minimise le refroidissement éolien – même si la température est inférieure à zéro. L’installation de « pièges à soleil » sur le côté sud des bâtiments est un excellent point de départ. Qui n’apprécie pas un chaud rayon de soleil, peu importe la saison?
L’éclairage joue un rôle important pour la sécurité, bien sûr, mais aussi pour créer un effet de chaleur. Un bon éclairage peut contribuer à rendre un lieu invitant, ce qui incitera les gens à le visiter et à y rester. Le Musée de l’histoire et de l’industrie de Lynnwood, à Washington, en est un bon exemple : l’éclairage fait ressortir la forme du bâtiment sur l’arrière-plan de la ville, ce qui invite les visiteurs à rester un moment sur les lieux.
Certaines villes européennes, dont Copenhague, célèbrent l’hiver. Des mesures sont prises pour que les terrasses extérieures dans les destinations et les lieux importants de la ville restent ouverts même en hiver. Beaucoup de terrasses sont entourées de toiles en plastique transparent ou disposent de couvertures et de coussins pour garder les gens au chaud. Ces stratégies devront être réévaluées pour des raisons de sécurité en période de COVID-19, mais elles pourront probablement être adaptées par la suite ou servir d’inspiration pour de nouvelles ¾±»åé±ð²õ.
D’un point de vue urbanistique, il faut ouvrir l’espace urbain et adapter le zonage aux besoins des petites entreprises. De nombreux programmes ont été mis en place dans les villes pour permettre aux commerces d’occuper l’espace public et faciliter le respect des règles de distanciation physique. Il suffirait de transposer l’expérience acquise à la saison d’hiver et de conseiller les entreprises pour qu’elles puissent en faire un succès.
Il est urgent de créer dans nos villes un environnement dans lequel les petites entreprises pourront faire des affaires en hiver (et, espérons-le, prospérer). Cela prendra du temps pour changer la culture, mais nous pouvons procéder par une « révolution à petits pas », c’est à dire par de petites étapes progressives qui s’additionneront pour aboutir à un changement majeur au fil du temps. Dans l’application de ce principe de progressivité pour la création de villes plus agréables en hiver, les événements attrayants ont un rôle important à jouer. Les événements attrayants offrent un environnement sécuritaire et confortable, et ils sont une raison pour les gens de sortir de chez eux et d’aller en ville. C’est une raison pour les gens de s’attarder dans le quartier. Par exemple, de nombreux événements attrayants mettent en lumière des entreprises ou des artistes locaux d’une manière créative, ce qui alimente les conversations et suscite l’intérêt. Les citoyens découvrent de nouvelles rues ou activités, de nouveaux cafés ou restaurants, ce qui les incitera à revenir ultérieurement dans le quartier.
Idéalement, les participants à l’événement devraient en repartir en se disant : « Aujourd’hui, j’ai eu plus de plaisir que je ne l’espérais, et j’ai découvert quelque chose d’intéressant. J’ai envie de revenir ». Cela signifie que l’activité économique générée par l’événement engendre une clientèle fidèle pour l’avenir.
Bien sûr, il faut aussi tenir compte de certains aspects culturels intéressants. Beaucoup de gens portent un grand intérêt aux vêtements d’hiver. Lorsque des événements attrayants sont créés, cela donne une occasion de passer du temps à l’extérieur. Plus ces gens aimeront un endroit et un événement, plus ils seront susceptibles d’y retourner et d’y amener des amis. Cela peut prendre du temps, mais en mettant les bons éléments en place, on peut lentement commencer à modifier les perceptions.
Les retombées économiques peuvent être considérables. Le Carnaval de ²Ï³Üé²ú±ð³¦Â – le troisième plus important au monde – a lieu en février. Les activités de ce festival annuel se déroulant à l’extérieur, les gens restent dehors toute la journée dans une ville où la température maximale moyenne est de -4 °C (25 °F). Malgré le froid, ce festival génère des retombées économiques annuelles d’environ 38 millions de dollars et près de 600 emplois. Les organisateurs du festival prévoient les activités et les lieux en fonction du froid, ce qui favorise le succès du festival.
Trop de lieux publics sont conçus pour attirer les gens au milieu de l’été, alors qu’ils devraient être mis en valeur 365 jours par an. Pour préserver nos collectivités durant les mois froids, nous devons rendre nos lieux publics chaleureux et créer des événements attrayants pour augmenter l’achalandage et générer de l’intérêt pour les commerces locaux
C’est donc à nous de concevoir nos villes pour qu’elles soient plus attirantes et dynamiques en hiver. En ces temps de pandémie de COVID-19, il est important plus que jamais d’obtenir la participation de bons partenaires, de mobiliser les commerces, de faire appel à la créativité locale et de s’allier les acteurs politiques afin de créer des espaces plus invitants en hiver.
Traduction du blogue publié originalement sur le site Ideas de Â鶹´«Ã½.
À propos de l’auteur :
Simon est un concepteur et planificateur urbain reconnu, récipiendaire de nombreux prix.