ADNe et metabarcoding : inventorier efficacement et rapidement la biodiversité
13 janvier 2020
13 janvier 2020
La technique de metabarcoding basée sur l’ADN, ouvre de nouvelles perspectives d’identification en plus de permettre de reconstituer le passé et d’économiser temps et argent
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Je dis souvent que l’analyse d’ADN provenant d’échantillons environnementaux (ADN environnemental, ADNe) s’apparente aux recherches d’ADN faites par la police scientifique, mais appliquée aux plantes et aux animaux. Dans les séries populaires d’enquêtes, les experts judiciaires cherchent des preuves d’ADN sur les lieux du crime. En science de l’environnement, nous recourons aussi à l’ADN pour résoudre des mystères. En caractérisant des fragments d’ADN prélevés dans un milieu, il est possible de détecter la présence de plantes et d’animaux sans repérage visuel ni capture.
Et maintenant, une nouvelle technique qui prend appui sur l’ADNe, leÌýmetabarcoding, ouvre un nouveau mode de possibilités.
Mais tout d’abord, quelques explications sur l’ADNe.
Les méthodes classiques d’identification d’une espèce dans un lieu donné, par exemple une espèce de poisson en péril ou une grenouille dans une zone écologique sensible, requièrent généralement de procéder par capture de spécimens. Heureusement, ce n’est plus le cas avec l’approche d’ADN environnemental. Plutôt que d’échantillonner les individus, des échantillons de l’environnement aquatique ou terrestre où l’espèce vit ou se reproduit (par exemple étang, lac, caverne, terrier) sont prélevés. Les traces d’ADN (peau, excréments, etc.) sont ensuite extraites des échantillons recueillis, puis analysées pour déterminer si l’espèce est présente dans le milieu. Cette façon de faire évite de nuire aux organismes et améliore grandement notre capacité à déceler les espèces qui vivent dans un lieu donné.
LeÌýmetabarcodingÌýva au-delà de l’identification d’une seule espèce et permet de déterminer la présence d’une quantité d’espèces dans un lieu, ce qui n’est pas possible avec les outils classiques d’inventaire.
LeÌýmetabarcodingÌýoffre un excellent moyen d’explorer l’environnement et d’identifier rapidement les espèces possiblement présentes dans un écosystème. Au lieu qu’une équipe de biologistes procèdent à trois ou quatre inventaires pour parvenir à recenser une grande variété d’espèces, il suffit à une petite équipe de réaliser, suivant les directives de spécialistes, une collecte d’échantillons environnementaux.
Les fragments d’ADN sont ensuite extraits des échantillons prélevés sur le terrain, puis analysés pour déterminer les espèces présentes. Il faut faire appel à un laboratoire spécialisé qui, au besoin, peut fournir les résultats très rapidement. Cette méthode est plus sûre pour les organismes visés puisqu’ils ne subissent aucun bouleversement. Aussi, elle nécessite moins de personnel sur le terrain, ce qui réduit les coûts et les risques liés à la santé et à la sécurité.
LeÌýmetabarcodingÌýoffre une capacité unique : un an ou deux après l’analyse des fragments d’ADN d’un échantillon, il est possible de questionner à nouveau le même échantillon pour extraire d’autres informations.
Comment est-ce possible? Généralement, une analyse ne porte pas sur tous les fragments d’ADN. Puisque l’ADN peut être conservé pendant longtemps, les fragments non identifiés sont archivés. Supposons que des échantillons sont recueillis à l’étape préliminaire d’un projet, avant toute construction. Il est possible d’archiver les échantillons et de les analyser plus tard si de nouvelles questions sont soulevées sur les espèces présentes avant la réalisation du projet.
Prenons l’exemple d’un projet de pipeline. Vous prenez des échantillons d’ADN environnemental dans le cours d’eau qui sera possiblement traversé par le pipeline pour en apprendre plus sur les espèces de poissons et aider à la planification du projet. Un an plus tard, alors que le pipeline a été construit, certains se questionnent à propos des amphibiens. Vous pouvez alors interroger les échantillons archivés pour savoir si des amphibiens vivaient dans le milieu avant la construction du pipeline.
Puisque cette technique consiste à prendre des échantillons de l’environnement, une bonne planification préalable est nécessaire pour pouvoir détecter les espèces vraiment présentes dans le milieu étudié. Bien que puissante, cette technique n’équivaut pas au « tricorder » de Star Trek, on n’obtient pas une certitude absolue. Il faut faire appel à nos connaissances en écologie pour s’assurer de prendre des échantillons au bon moment et au bon endroit pour avoir toutes les chances de déceler les espèces qui nous intéressent.
Aussi, il est primordial de recourir à un laboratoire qualifié pour analyser les échantillons. Bref, il faut être bien préparé si l'on veut obtenir des réponses fiables aux questions soulevées. C’est important dans le cas des inventaires biologiques classiques, mais aussi lorsqu’on fait le choix d’une technique basée sur l’ADN, comme leÌýmetabarcoding, pour identifier de façon précise et rapide les espèces présentes dans unÌýécosystème.
En cette époque d’urgence climatique et de pertes d’habitats, nous avons besoin de nouvelles techniques pour inventorier de façon rapide et efficace la biodiversité. Les techniques basées sur l’ADN, comme le metabarcoding, sont des voies prometteuses.
Vous connaissez peut-être cette chanson qui va comme suit : Dans l’arbre, il y a une branche, dans la branche il y a un noeud, dans le noeud il y a un trou, dans le trou il y a un nid, dans le nid il y a un oeuf, dans l’oeuf il y a un oiseau... etc. Vous comprenez l’idée.
Cette chanson nous amène au cÅ“ur d’un arbre, du plus visible vers l’invisible. D’une manière similaire, leÌýmetabarcodingÌýnous offre une image plus approfondie de la biodiversité que tout autre outil. Il nous dévoile beaucoup plus sur les organismes présents dans un écosystème que ce que nous pouvons voir à l’œil nu ou avec les outils classiques d’inventaire. Ainsi, nous obtenons une quantité accrue de renseignements qui nous permettent d’évaluer la santé d’un écosystème et de prendre des décisions éclairées concernant la protection de l’environnement.
La technique deÌýmetabarcodingÌýest puissante. Elle peut donner accès à une multitude d’informations, et nous ne faisons que commencer à en exploiter le potentiel. Les données recueillies sont pertinentes et précieuses. Dans l’avenir, quelles questions serons-nous en mesure de résoudre à l’aide de l’ADN environnemental et des analyses parÌýmetabarcoding?
Le temps est précieux. En cette époque d’urgence climatique et de pertes d’habitats, nous avons besoin de nouvelles techniques pour inventorier de façon rapide et efficace la biodiversité.